Marie-Charlotte Dubois
Collectie

Article du 20.07.2023

Cela fait maintenant quatre cents ans que l'abbé Bernard Campmans a exhumé un cercueil de plomb des ruines. Ce cercueil contenait le corps intact du troisième abbé de l'Abbaye des Dunes, croyait-on. Des recherches scientifiques récentes ont montré qu'il ne pouvait s'agir du corps d'Idesbald, mais cette découverte fut dépeinte à plusieurs reprises. Entre autres, sur des tableaux dont le Musée de l'Abbaye des Dunes possède plusieurs exemplaires. Depuis lors, l'abbé Campmans et Idesbald ont souvent été cités dans le même souffle. Était-ce aussi le portrait que Campmans propageait lui-même?

En 1607, l'abbé André Duchesne envoya Bernard Campmans à Zande en Flandre-zélandaise en tant que gestionnaire (rentier). Il y resta jusqu'à ce qu'il soit élu abbé en 1623. C'est là que le Moine apprend à utiliser l'endiquement pour assécher les polders. Cela lui servira pour l'invention d'Idesbald.

À cette époque, la communauté des Moines des Dunes vivait à Ten Bogaerde, mais elle souhaitait un transfert de l'abbaye vers Bruges depuis longtemps. Campmans a concrétisé ce déménagement en partie en récupérant des matériaux de construction issus des ruines de l'abbaye. Il était connu que le cercueil en plomb d'Idesbald se trouvait sous le sol de la salle capitulaire. Mais celui-ci était enfoui sous les décombres de la ruine et une grande flaque d'eau s'y était formée. Tout comme ses prédécesseurs, l'abbé lança quasi immédiatement une opération de fouilles. Expert en endiguements, il réussit là où ils avaient échoué: il parvint à détourner l'eau par un caniveau et put ainsi faire remonter le cercueil en toute sécurité à la surface le 13 novembre 1623. Campmans devait être fier de ce mérite pour l'Abbaye des Dunes. On le voit à la manière dont il s'est fait portraiturer.

Le lien: depuis l'excavation du cercueil?

 

Portrait de l'abbé Bernard Campmans (Musée de l'Abbaye des Dunes Koksijde, inv. n° 44838, photo Kerat)

Détail du portrait de Campmans: le cercueil ouvert d'Idesbald et ses armoiries et sa devise (Musée de l'Abbaye des Dunes Koksijde, photo Kerat)

Ce portrait nous montre un abbé bien jeune sur le banc d'un oratoire avec ses armoiries et sa devise "Deo Duce" (Dieu est mon guide). Au-dessus de ce banc est placé le cercueil ouvert d'Idesbald. Campmans était âgé de 43 ou 44 ans lorsqu'il est entré en fonction et, la même année, il fit exhumer le cercueil d'Idesbald. Il est donc tout à fait possible que l'abbé se soit fait portraiturer presque immédiatement après l'exhumation, afin de s'en faire souvenir comme tel. De même que le récit de l'exhumation et de la reconnaissance officielle a été publié par Théodore Pybes en 1624.

Subtil, mais Idesbald est bien present

Le Grand Séminaire de Bruges possède à ce jour plusieurs portraits de Campmans. Le premier représente l'abbé de manière plus sobre, dans une simple tenue sacerdotale. On en ignore la datation, mais la toile (peut-être peinte par H. Nipho, qui a réalisé une gravure de l'abbé) semble dater de la fin de l'abbatiat de l'abbé.

Portrait de l'abbé Bernard Campmans ( Grand Séminaire de Brugge - photo Hugo Maertens)

Ce tableau contient de nouveau des références concernant la découverte d'Idesbald. Une fois de plus, nous voyons le cercueil ouvert d'Idesbald. Campmans tient fermement le coffret funéraire dans sa main gauche et a fait inscrire sa devise en lettres d'or sur le côté de celui-ci. On dirait qu'il revendique le coffret funéraire comme s'il lui appartenait.

Détail du portrait de l'abbé Campmans avec le  coffret funéraire ouvert d'Idesbald. Notez ses armoiries sur le coffret funéraire ( Grand Séminaire de Brugge - photo privée).

À l'arrière-plan, on aperçoit une vue avec des bâtiments. Il s'agit probablement des ruines de l'ancienne Abbaye des Dunes de Koksijde, car elles apparaissent également dans plusieurs représentations d'Idesbald. Il existe des similitudes évidentes dans la forme des bâtiments sur la peinture de Campmans et sur celle d'Idesbald au Musée de l'Abbaye, par exemple. Encore une référence à l'excavation du cercueil de plomb à sa demande?

Liés même après la mort

Une deuxième peinture de l'abbé Campmans, conservée au Grand Séminaire de Brugge, le représente après sa mort. On ignore à quand remonte cette toile, mais elle pourrait représenter Campmans tel qu'il a été exhumé en 1673. Intacte, tout comme ‘Idesbald’.

Il s'agit donc d'un portrait distinct de Campmans. Pourtant, il semble qu'il y ait ici aussi un lien avec le bienheureux Idesbald. Ce lien apparaît clairement lorsqu'on le compare à celui ‘d'Idesbald’ après son invention. Les deux images sont presque des miroirs optiques l'une de l'autre, tant dans la direction du corps que dans les couleurs. Alors que 'Idesbald' porte un habit noir, Campmans est vêtu d'un habit blanc. La tête 'd'Idesbald' repose sur un oreiller blanc, tandis que celle de Campmans repose sur un oreiller noir. 'Idesbald' ne porte pas d'anneau, tandis que Campmans est représenté avec son anneau abbatial (à l'index droit).

Une coïncidence?

Les tableaux de l'abbé Campmans, de son vivant ou après sa mort, présentent tous, d'une façon ou d'une autre, un lien avec le bienheureux Idesbald. Le coffret funéraire ouvert d'Idesbald est clairement présent sur la toile, il y a une référence aux ruines de l'ancien Abbaye des Dunes, et le portrait de l'abbé décédé présente de grandes similarités avec les portraits d''Idesbald'. Trop de similitudes pour qu'il s'agisse encore d'une coïncidence. L'abbé Campmans voulait manifestement que l'on se souvienne de son exploit, à savoir l'exhumation du cercueil. Il y est parvenu, car même après quatre siècles, nous voyons toujours en lui l'abbé qui a exhumé 'Idesbald' et qui a donné une forte incitation à la dévotion envers le troisième abbé de l'Abbaye des Dunes.