Article du 05.07.2019

Jusqu'au 16e siècle, les moines ont érigé et transformé les bâtiments en fonction de leurs besoins. L'ensemble monumental du ‘Plan de de l'Abbaye des Dunes’ (Pierre Pourbus, 1580), est la plus importante illustration des 400 ans d'activité de construction à Koksijde. Durant les nombreuses campagnes de construction, les artisans qui y ont travaillé ont laissé de nombreuses traces. Ce sont des indices que l'on ne remarque pas toujours au premier abord ou auxquels on ne pense pas. Dans cette exposition, nous les avons rassemblés et confrontés à l'art contemporain des maquettes.

L'exposition 'Construire pour l'éternité' présente l'histoire de la construction de l'abbaye cistercienne de Notre-Dame des Dunes, ou l'Abbaye des Dunes. En tant que débutant, la communauté de Koksijde a acquis un domaine d'environ 10 000 ha en à peine 200 ans. Cela lui vaut de figurer parmi les " 5 grands ", les 5 communautés monastiques les plus riches du comté de Flandre, à la fin du 13e siècle.

Pendant sept siècles, l'abbaye de Koksijde a exercé une influence importante sur la vie sociale en Flandre. La communauté abbatiale a survécu à l'Iconoclasme (1566) et aux réformes autrichiennes du 18e siècle. Ce n'est qu'en 1796, lorsque tous les biens de l'église ont été confisqués, que le rideau est tombé sur l'abbaye. Les derniers moines des Dunes ont fait don de sommes importantes à diverses institutions religieuses. Avec la mort de Nicolas De Roover, le dernier moine des Dunes disparut.

Artisans et construction médiévale

Avec l'exposition " Construire pour l'éternité ", l'accent est mis sur l'immense sous-collection de matériaux de construction. En sélectionnant les pièces, le musée a choisi un approche spécifique. L'accent mis sur les célèbres abbés de la construction est limité. L'accent est principalement mis sur le travail et les traces des nombreux artisans que nous pouvons encore trouver aujourd'hui.

Tout comme les chantiers actuels, les campagnes de construction médiévales ont eu un grand effet sur l'environnement immédiat. Des indices peuvent être trouvés aujourd'hui dans les noms de lieux ou dans les traces dans le paysage. Citons par exemple les cours d'eau approfondis ou redressés en fonction du transport des matériaux de construction par voie d'eau...

Il n'y avait pas assez de bois en Flandre au 13ème siècle pour la construction de grandes églises gothiques. La disparition quasi-totale des forêts était déjà due à une exploitation forestière intensive antérieure. Les moines ont été contraints d'importer du bois d'ailleurs, notamment par la Meuse depuis la région de Givet, dans les Ardennes françaises.

La diversité des matériaux est considérable, mais c'est l'origine qui en dit long sur le réseau de l'ancienne communauté abbatiale. Les matériaux de construction provenaient de différentes régions et étaient acheminés par les moines par voie maritime ou terrestre. Et avec les importations, il est inévitable qu'ils devaient aussi payer des péages dans les ports intérieurs, aux carrefours routiers et aux passages de rivières. Mais là encore, les moines se présentaient comme hommes d'affaires avisés. Tout comme de nombreuses multinationales tentent aujourd'hui d'éviter les taxes en mettant en place des structures spéciales ou en concluant des accords avec les gouvernements locaux, les moines ont réussi à obtenir des exemptions de péage dans de nombreux endroits. Il est intéressant de noter que bon nombre des exemptions de péage exposées sont liées à la période où l'activité de construction était la plus intense.

Créativité et ingéniosité technique

La chose est claire pour l'équipe du musée depuis plusieurs années. Les moines de l'Abbaye des Dunes n'étaient pas des ermites étrangers au monde. Si l'on examine les matériaux de construction et la période à laquelle ils apparaissent, on constate rapidement qu'ils étaient toujours prêts à adopter de nouvelles techniques. Un bon exemple est la quantité considérable de majolique espagnole majolique espanole dans notre collection de carreaux. Ces carreaux bleus et blancs, en provenance de Valence, sont probablement parmi les plus anciennes importations de majolique espagnole en Flandre.

L'imposant complexe de bâtiments de Koksijde ne servait pas seulement d'abri à la communauté. C'était également le centre d'où était gérée la propriété du domaine. Il symbolisait surtout l'influence et le pouvoir économique de l'abbaye au sein du comté de Flandre. Cette position dominante était encore soulignée par l'architecture.

À partir du 15e siècle, les abbés sont de plus en plus conscients de leur position sociale et de l'influence de l'abbaye. Cela se manifeste, entre autres, par le changement de représentation des abbés et des souverains séculiers sur les grisailles, la série unique de représentations des comtes de Flandre et des moines des Dunes. Nous retrouvons également cette conscience de soi dans d'autres documents. Un bel exemple en est Robert de Clercq, abbé de 1519 à 1557. De nombreuses pièces de son long règne ont été conservées, notamment une série de carreaux portant ses armoiries, des ustensiles de table ustensils de table avec son monogramme, des manuscrits avec ses armoiries... Pourquoi?

Près de quatre cents ans d'activité de construction

Ne vous laissez pas tromper par le "Plan de l'Abbaye des Dunes" (Pourbus - 1580). En réalité, le complexe mesuré par Pieter Pourbus au 16ème siècle est l'aboutissement de quatre cents ans de construction sur le domaine.

Lors de la recherche et de la préparation de l'exposition, le respect et l'émerveillement ont grandi devant l'ingéniosité technique et la créativité dont font preuve ces pièces.

Parmi celles-ci figure le passage frappant de la pierre naturelle à la brique comme matériau de construction. Le comté de Flandre, affaibli, ne voulait pas devenir dépendant des importations de pierre naturelle après la défaite des troupes anglaises à Bouvines (1214). Les moines ont donc choisi de construire avec des briques produites localement. Une technique qu'ils ont perfectionnée.

La clé de voûte clé de voûte en briques est une prouesse artisanale. Il est surprenant de voir comment, à l'époque, on pouvait cuire une si grosse masse d'argile et la placer comme clé de voûte d'une voûte à quatre nervures. Cela n'avait jamais été vu auparavant. Les bâtiments gothiques en brique de l'abbaye, y compris l'église avec ses nombreuses arches aériennes, ont dû faire une énorme impression sur les gens du Moyen Âge. Et c'est précisément ce que la communauté voulait réaliser.

Monumentalité

Cette monumentalité n'est pas facile à percevoir de nos jours. Pour permettre aux visiteurs de découvrir ces bâtiments imposants, le musée a développé en 2017 l'expérience de réalité virtuelle 'Ten Duinen@1490'. L'intense processus pour y parvenir a abouti à une synthèse de toutes les données et plans disponibles du passé. Un exercice qui donne une impression de ce à quoi l'église aurait pu ressembler aux alentours de 1490. Une image imposante que nous avons également incluse dans l'expo.

En créant cette exposition, nous sommes allés encore plus loin. Cette fois, nous avons fait recréer une grande partie du domaine en briques de construction LEGO®. Une tâche peu évidente, puisqu'il n'y a pas de plan de construction comme dans les kits de construction LEGO® commerciaux. La seule source contemporaine pour la vue de l'abbaye est le plan de Pierre Pourbus de 1580. Aussi détaillée que soit cette peinture, une limitation majeure subsiste. La peinture ne montre qu'un ou deux côtés d'un bâtiment. Vous ne savez pas à quoi ressemble le bâtiment sur l'autre ou les autres côtés. Nous avons essayé de résoudre ce genre de situation en utilisant des publications sur l'histoire du bâtiment et des bâtiments de la même époque. Cela a conduit à une reconstruction réaliste  en briques de construction LEGO®.

Des choix ont été faits lors de l'utilisation des briques. Ce qui est encore visible aujourd'hui est indiqué par des briques de construction gris foncé. La construction s'est poursuivie avec des briques de la couleur des matériaux de construction trouvés. Pour les bâtiments où l'on n'arrivait pas à une réponse concluante, Amazings, l'équipe de Dirk Denoyelle, a délibérément construit en couleur contrastée. Un exemple est la galerie entre l'aile des moines et la bibliothèque.

Un autre choix délibéré est la décoration de la maquette avec des personnages, des arbres, des plantes, des scènes d'action qui ont leur place dans une abbaye... Ici, on a fait appel aux célèbres minifigs, les poupées LEGO® qui représentent des chevaliers, des moines, des frères convers, des serviteurs... En plaçant ces figurines dans la maquette de 3 mètres sur 3, le spectateur a une idée précise de la monumentalité du complexe et des bâtiments en un coup d'œil.

Le manque de monumentalité du site n'est pas le seul problème. La distance dans le temps entre le Moyen Âge et le temps présent constitue également un obstacle. Les briques LEGO®, en revanche, sont largement connues. C'est quelque chose que de nombreuses générations connaissent aujourd'hui pour y avoir joué elles-mêmes ou parce que leurs enfants ou petits-enfants y jouent encore. En reconstruisant l'abbaye en briques LEGO®, nous espérions réduire le fossé qui sépare les bâtiments médiévaux d'aujourd'hui.

Rob Buelens

De très lourds fragments en pierre naturelle ressortent également de la collection. Nervures, clés de voûte, tambours de colonne... Comment les moines mettaient-ils en place ces grandes pièces ? Une miniature montre clairement un échafaudage. De tels échafaudages sont souvent représentés dans les miniatures, les vitraux, les sculptures, les pierres taillées, ainsi que les outils de levage pour élever ces pièces à la bonne hauteur. De ces outils, généralement en bois, on ne trouve rien ou presque rien aujourd'hui. Nous avons trouvé ces outils d'échafaudage et de levage dans les modèles réduits de Rob Buelens.

Les modèles réduits sont des petits mondes intrigants, dans lesquels il intègre des outils de levage historiques, des échafaudages et des dispositifs destinés à déplacer de lourdes charges sur les chantiers. Les petits mondes en bois, métal et fil à coudre étonnent et réclament une attention immédiate! La combinaison d'éléments historiques avec des objets du quotidien, placés dans un contexte totalement différent, et avec les nombreuses petites poupées, est surprenante. Combiné à l'imagination abondante de Rob et à son désir de tout regarder sous un angle différent, il crée des mondes étonnants, nouveaux et poétiques. Des activités dans lesquelles les gens travaillent en groupe pour atteindre un objectif commun qui dépasse les capacités d'un individu. En regardant les petites œuvres, il semble que vous soyez brièvement Gulliver qui rencontre pour la première fois le monde des Lilliputiens, comme dans le classique 'Les voyages de Gulliver' de Jonathan Swift.

Koksijde construit avec des briques LEGO® et d'autres activités

Vous avez eu le déclic en voyant la maquette en briques LEGO® ? Alors vous pouvez aussi visiter le centre culturel pendant les mois d'été, du 12 juillet au 25 août 2019. À côté d'autres œuvres en briques LEGO® réalisées par Amazings, l'un des 14 constructeurs professionnels certifiés LEGO®, vous pourrez également vous mettre vous-même au travail avec les fameuses briquettes.

En marge de l'exposition, divers événements seront organisés en collaboration avec des partenaires externes (Poëziecentrum et Davidsfonds Leuven) et des services municipaux (cc CasinoKoksijde, WAK, Culture, Bibliothèque) pendant la durée de l'exposition. L'Académie du Westhoek a élaboré, pour les familles, un livret familial avec des exercices et un kit pédagogique pour les écoles.