Article du 20.12.2019

L'exposition "Construire pour l'éternité" s'est achevée le 5 janvier 2020. Vous pouviez y faire connaissance avec les mondes miniatures de Rob Buelens. Il s'agit de maquettes réalisées à partir de bois, de fil de fer, de fils et d'objets contemporains. Dans le contexte de l'exposition, elles présentent également des palans et des grues avec des tapis roulants inspirés d'images historiques. L'art contemporain comme tremplin vers la construction médiévale, dans notre cas la construction de l' Abbaye des Dunes.

Les nombreux édifices, structures, échafaudages, échelles, palans et grues avec tapis roulant des modèles réduits sont, comme les figurines, entièrement réalisés à la main. Leur construction est un travail de bénédictin. Elle exige vision, patience, concentration et précision dans son exécution. Grâce aux nombreuses références à des applications techniques historiques, ces oeuvres d'art étonnantes représentent une bonne introduction à l'exposition. Mais ce n'est pas tout: chaque maquette examine en profondeur la manière dont les gens travaillent ensemble pour atteindre un objectif, ainsi que les relations entre les humains, à la fois à l'intérieur et à l'extérieur des groupes.

Clin d'œil aux "Voyages de Gulliver"

Face aux minuscules personnages de l'univers fictif de Rob, nous sommes des géants. C'est comme si nous étions entrés dans la peau du médecin de bord Leamul Gulliver et que nous nous trouvions dans la première histoire des Voyages de Gullivers  de Jonathan Swift (1726). Cette satire du 18e siècle sur la société britannique a connu un grand succès dès sa publication. Swift y mêle magistralement l'émerveillement et les références à son propre monde. Exactement ce que fait aussi Rob Buelens.

Les constructions frêles émerveillent et demandent de l'attention. Elles invitent le spectateur à ralentir. Elles stimulent la curiosité et incitent à la réflexion sur le comportement humain en groupe. Ne vous laissez pas tromper par l'agitation. Il n'y a pas de désordre dans les œuvres de Rob, mais une agitation coordonnée. Les petits personnages excités accomplissent chacun des tâches spécifiques qui contribuent à un objectif commun.

Applications techniques et ingéniosité

Les modèles réduits présentent des applications techniques datant de plusieurs siècles. Celles-ci vont de l'utilisation d'échafaudages (travail en hauteur) à l'équipement de levage, en passant par les grues et les palans avec tapis roulant. Autant d'applications pour lesquelles Rob s'est inspiré d'images historiques.

Les outils et les figurines sont un régal pour les yeux. Sisyphus Sugar 9 (2015) montre comment ils essaient de faire entrer un morceau de sucre, énorme pour eux, dans un sac tout aussi disproportionné. À l'aide de rouleaux en bois, ils font glisser la charge, comme un énorme bloc de marbre de Carrare, sous le palan qui se trouve au sommet de l'étagère. Ce type de palan apparaît dans de nombreuses images historiques. Il rappelle même le palan qui ornait le sommet de la cathédrale de Cologne jusqu'au milieu du 19ème siècle.

Toutes ses œuvres font référence à la coopération mutuelle et aux techniques historiques, mais aussi à l'ingéniosité des êtres humains. C'est ce qu'exprime le plus fortement Making the Wind work for us too (2018). Tout le monde reconnaîtra un moulin à vent dans le grand moulin à poivre. Grâce à un ascenseur, les personnages hissent les boules de poivre au sommet.

To the other side!(2014) et Someday we’ll all be free (2014) montrent le pouvoir qui se dégage d'un groupe de personnes qui s'efforcent d'atteindre le même objectif. Dans ces cas, l'objectif est la liberté. Il s'agit d'un désir universel qui trouve un écho auprès de toutes les personnes, partout dans le monde. Un concept précieux qui, au même titre que la tolérance et la compréhension d'autrui, est parfois mis à rude épreuve lorsque le cap fixé commence à s'estomper. Les valeurs généralement admises sont alors parfois remises en question. Dans les périodes d'incertitude, les moments charnières, le désire augmente, une nostalgie d'un passé idéalisé. Un sentiment qui entre en concurrence avec une analyse plus critique et plus ouverte sur l'avenir. Cette nostalgie d'une période imaginée peut même pousser des groupes à modifier leur image idéale, avec peu ou pas de compréhension pour d'autres visions.

Don des Amis du Musée de l'Abbaye

Dans Beset by stone (2019) Rob Buelens se penche sur la façon dont un groupe réagit aux changements, menaçants ou non. L'œuvre a été commandée par le cercle d'amis du musée : les Familiares de Dunis, qui en ont fait don au musée le 10/12/2019. Après l'exposition (22/06/2019-05/01/2020), ce sera donc la seule œuvre majeure de Rob qui sera encore exposée au musée.

Dans un premier temps, il semble que tout va bien. La vie quotidienne se déroule sans encombre. La construction se poursuit, les gens discutent, travaillent ensemble, les processions ont lieu... Mais de l'autre côté, la situation est tout autre ! Une créature arachnide, constituée d'un morceau de pierre naturelle sur lequel sont collées des pattes métalliques, escalade la tour... Elle semble s'inspirer de l'histoire de King Kong, qui connaît une fin fatale....

Ce qui se passe est difficile à comprendre. On remarque cependant que la présence ou le passage de l'araignée étrange suscite la peur et le malaise. Les dégâts sont visibles de manière flagrante. Des bâtiments sont endommagés. Des personnages gisent blessés ou morts dans une mare de sang sur le sol.... Certains tentent d'aider les membres du groupe qui ont survécu au passage de l'araignée... D'autres essaient de rejoindre les défenseurs dans la tour par un ascenseur. Ils veulent se joindre au combat contre ce qu'ils interprètent comme une menace.

Le réflexe défensif d'un groupe vis-à-vis d'un autre est également abordé dans Why are you hurting me (2018). Un groupe tente à tout prix de maintenir sa position en faisant usage de tous les moyens possible. Tandis que son opposant est retenu par la violence. Ici encore, le spectateur n'a pas d'autre contexte à remplir. Il se peut même que le territoire qu'ils défendent n'ait jamais été exclusivement le leur. 

Le besoin de voix dissidentes dans le débat

Au cours de l'évolution, la formation de groupes a certainement aidé les humains à survivre et à créer des richesses. En étant membre d'un groupe, on a plus de chances de survivre et de prospérer. Ce sont souvent les principales raisons pour lesquelles les gens sont prêts à modifier leur point de vue, voire même à s'en distancer. Pourtant, nous avons besoin de voix critiques et indépendantes. Cette dernière n'est pas sans risque pour l'individu qui remet les choses en question.

Une voix dissidente n'a pas toujours la possibilité de se faire entendre par le groupe. Sometimes it takes one (2016) illustre les sacrifices qu'une personne doit être prête à faire pour y parvenir. Rob montre deux mondes différents: le monde sous le dôme et le monde presque désert à l'extérieur. À l'extérieur du dôme se trouve une énorme structure avec un bélier surélevé, dirigé vers la cloche sous laquelle la routine quotidienne se poursuit tranquillement. L'échafaudage avec le bélier semble désert... Mais ce n'est qu'une apparence. L'observateur attentif remarque sans doute l'unique silhouette. Et oui, c'est possible. Un individu peut provoquer un retournement de la pensée collective, inspirer un groupe, le motiver à changer de cap. Parmi les exemples du 20e siècle, pensons à Mahatma Gandhi, Albert Einstein, Martin Luther King, Nelson Mandela....

Chacune des œuvres d'art est une maquette surprenante et ludique dans laquelle Rob Beulens montre l'homme comme un animal de meute. En combinant ses forces et son ingéniosité, l'homme peut réaliser de grandes choses. Les maquettes sont fascinantes à voir. Elles présentent des applications techniques inspirées de l'histoire, mais le plus grand mérite de l'artiste est de nous tendre un miroir. L'actualité est omniprésente dans le travail de Rob, invitant à la réflexion et au dialogue avec ses maquettes sur le comportement humain en groupe, envers nous-mêmes, les autres ou d'autres groupes. Et ça marche ! Lors de l'exposition et des visites guidées, nous avons pu constater avec quelle aisance les visiteurs engageaient la conversation entre eux, se montrant les uns aux autres des détails et parlant de ce que les œuvres leur évoquaient.

Si vous souhaitez également découvrir les autres œuvres de Rob Buelens, visitez son site.